Internet doit devenir un bien commun

16/02/2021 - 13:20
Groupe Socialiste du Parlement de Wallonie - Internet doit devenir un bien commun

Ce lundi 12 février 2020, les membres du réseau des Médiateurs et Ombudsmans belges ont adopté une résolution par laquelle ils demandent aux autorités fédérales, régionales et locales de prendre les dispositions nécessaires pour considérer l'accès à internet comme un besoin essentiel. Cela signifierait que, comme pour la distribution et la fourniture d'eau, du gaz et de l'électricité, des règles soient fixées pour garantir la fourniture d'un accès minimal à internet de qualité et abordable pour chaque ménage. 

Cette proposition fait écho auprès d’Eddy Fontaine, Député wallon, qui s’était déjà positionné lors d’un interview en décembre dernier dans le cadre de la lutte contre la fracture numérique : « Internet doit être considéré comme un bien commun ».

En effet, la crise sanitaire et les confinements successifs ont accéléré la transition numérique mais cette modernisation forcée creuse des inégalités qu’il faut dénoncer et combattre… et, lutter contre la fracture numérique, c’est aussi lutter contre la pauvreté !

Cette fracture existe à la fois en termes d’infrastructure, de matériel et d’utilisation des services offerts.

Fin de l’été 2020, Périne Brotcorne, sociologue à l’UCLouvain, a publié pour le compte de la Fondation Roi Baudouin un Baromètre de l’inclusion numérique :

  • 10% des belges ne disposent pas d’une connexion internet, 8% n’y ont accès nulle part ;
  • 1/3 de la population a de faibles compétences digitales ;
  • Parmi les personnes en fracture technologique, 75.000 ont des revenus inférieurs à 1.200 € par mois et un faible niveau d’étude.

En Wallonie, nous constatons que :

  • Les services bancaires, plus généralement les services privés, sont de plus en plus digitalisés. Or, les personnes âgées n’ont pas nécessairement les capacités pour utiliser les nouvelles technologies ;
  • Les zones blanches sont une véritable source de difficultés pour ceux qui y habitent ;
  • Les services administratifs wallons sont de plus en plus digitalisés et cela met des catégories de personnes sur le côté.

Eddy Fontaine insiste : « Il est indispensable d’agir globalement face à la fracture numérique en formant, en informant et en mettant en place les aides nécessaires aux publics touchés ».

Du côté bancaire par exemple, nous assistons depuis 20 ans à la disparition progressive des agences: 12.751 en 2000, 7.744 en 2010 et selon les derniers chiffres de Febelfin, 5.128 en 2018. Rien qu’en 2016, on a connu une chute de 22%. Et ce n’est pas fini puisque plusieurs banques ont annoncé dans le courant 2019 leur volonté de fermer d’autres agences.

Selon le secteur, c’est pour répondre à la digitalisation croissante des opérations bancaires. Pour le réseau Financité, ce phénomène est cependant source d’inégalités :

  • entre générations car les plus de 65 ans en Wallonie sont nettement moins connectés que le reste de la population ;
  • entre régions : pour 8 agences en Région Wallonne, on en comptera 26 en Flandre ;
  • entre communes riches et plus pauvres, rendant difficile l’accès aux banques pour les plus précarisés.

Michel Di Mattia, Député wallon, demande à ce que à tous les niveaux de pouvoir, des mesures soient prises pour faciliter l’accès aux banques pour tous les citoyens, en particulier les plus âgés et les plus précarisés. 

Par ailleurs, en ce qui concerne les frais bancaires liés à l’utilisation papier, nous demandons un gel complet de ces frais. Ce n’est pas normal qu’une personne âgée paye 6 euros de frais pour l’utilisation du papier si elle n’a pas accès à Internet ou ne sait pas s’en servir.

Nous demandons également que le Gouvernement accélère les possibilités de formation envers tous les publics en renforçant les EPN et en utilisant les espaces Wallonie voire, lorsque la sortie de crise sanitaire le permettra, un ou plusieurs véhicule(s) style « camion ONE » pour dispenser des formations sur le territoire wallon. Il est primordial de soutenir les populations en fragilité numérique pour éviter de les laisser au bord de la route face à l’accélération fulgurante de la digitalisation.

En ce qui concerne les zones blanches, un accord cadre de 2016 définissait 39 communes wallonnes comme « zones blanches » en termes de connectivité mobile. Depuis, toutes ces communes disposent d’une couverture mobile à au moins 85%. Néanmoins, la connectivité fixe de ces entités n’était pas un critère servant à déterminer le caractère de « zone blanche » au sein de l’accord.

Ces constats de difficultés d’accès à internet ne sont pas exhaustifs.

Pour le Groupe PS au Parlement de Wallonie, il faut envisager un grand « pow-wow » du numérique qui rassemble à la fois le secteur public et privé pour apporter des solutions à tous les niveaux.

Cela commence notamment avec le débat de la neutralité du web et la considération de l’internet en tant que bien commun.

Ce constat est illustré aujourd’hui par l’intensification du télétravail et l’augmentation exponentielle de l’utilisation d’internet à la maison, notamment en raison de la crise sanitaire et des mesures de confinement.

Pour rappel aux États-Unis, en 2014, au-delà de ses arcanes techniques et de ses enjeux financiers colossaux, c’est une décision éminemment politique qu’a pris la Federal Communications Commission (FCC), l’organisme de régulation des télécommunications – et donc de l’Internet – en imposant la neutralité du web.

Comment ? En édictant une série de règles qui encadrent l’activité des opérateurs et les empêchera, à l’avenir, de privilégier certains fournisseurs de contenus en leur faisant payer plus cher un accès de meilleure qualité. Pour les partisans de ce principe qui veut que tout contenu circule de la même manière et à la même vitesse sur le réseau, sans privilèges ni « voies rapides » pour tel ou tel qui accepterait d’en payer le prix, ce serait une avancée majeure en matière de lutte contre la fracture numérique. Ce principe de neutralité pourrait s’appliquer aux contrats des plus faibles.

Nous devons l’envisager dans notre région, plus largement dans notre pays.

Notre groupe portera prochainement ce débat au sein de l’hémicycle wallon.