Budget 2022 - Prise de parole d'André Frédéric, Chef de groupe

22/12/2021 - 9:47
Groupe Socialiste du Parlement de Wallonie - Budget 2022 - Prise de parole d'André Frédéric, Chef de groupe

Chers Collègues,

Les propos que je viens d’entendre m’ont inspiré un proverbe chinois : « Sans responsabilité, on se sent le corps léger ». Tout semble si simple lorsqu’on n’a pas le poids des responsabilités sur ses propres épaules.

Chers Collègues, entrons dans le vif du sujet.

Les deux dernières années que nous venons de connaître ont été frappées du  sceau de l’inconnu et de l’inquiétude.

La COVID a frappé près de deux millions de personnes dans notre pays, dont un peu moins de 28.000 en sont décédées. A l’échelle mondiale, on dénombre 275 millions de personnes infectées et près de 5,3 millions de décès. Un drame sanitaire hors norme.  Cette pandémie  a aussi mis notre économie à l’arrêt, contrainte et forcée. Ce sont aussi de nombreux citoyens qui se sont retrouvés en immense difficultés… Face à ce tsunami sanitaire, économique et social, nos institutions ont dû se réinventer, maintenir notre tissu économique et social, utiliser tous les outils pour soutenir les acteurs essentiels au développement de notre Région et surtout le bien-être de chacun ;

Un malheur n’arrivant jamais seul, les inondations de juillet 2021 ont lourdement impacté la vallée de la Vesdre et de l’Ourthe, notamment, privant de nombreuses familles de leurs habitations. 39 décès, près de 40.000 bâtiments touchés ou détruits, 2.600 entreprises en difficulté, 50.000 personnes privées du gaz de ville, 155.000 tonnes de déchets collectés, 265 ponts, 78 ouvrages d’art hydrauliques, 119 écoles touchées…  Un véritable drame pour notre Région et nombre de familles. Les défis à relever sont nombreux, et ils sont immenses.

Je voudrais ici solennellement avoir une pensée pour toutes les victimes, victimes sanitaires et économiques de la COVID, victimes des inondations. Mais aussi pour leurs familles endeuillées, leurs proches, et toutes celles et ceux qui aujourd’hui encore vivent ce drame dans leur chair.

Pour faire face à cette double-crise,  notre Région a réagi avec force et a dû s’endetter un peu plus pour répondre au mieux à l’urgence de la situation. Notre dette directe s’est ainsi envolée d’environ 7 milliards d’euros entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2021 pour s’établir à 19,7 milliards d’euros. Mais avions-nous vraiment le choix ?  

Chers Collègues, la sagesse populaire nous enseigne que la guérison n’est jamais si prompte que la blessure. Il faudra donc du temps à notre Région pour relever la tête face à ces coups durs ;

Booker T. Washington[1], écrivain né esclave aux États-Unis en 1859, et affranchi suite à l’abolition de l’esclavage en 1865 , écrivait : « L’une des meilleurs façon d’aider quelqu’un est de lui donner une responsabilité et de lui faire savoir que vous lui faites confiance. »

C’est ce que nous faisons aujourd’hui : nous aidons le gouvernement en lui confiant l’immense responsabilité de la relance et de la reconstruction, et nous lui faisons savoir qu’il a toute notre confiance pour ce faire. Et le travail ne manque pas.  Il convient d’agir rapidement et efficacement afin de permettre à chacune et à chacun de vivre – autant faire se peut - dans la dignité, et de s’épanouir au sein d’une société plus solidaire, durablement développée, et économiquement plus solide. 

Ce Gouvernement l’a compris !

Il convient, à mon sens, de mettre l’humain au cœur de nos préoccupations et de nos réflexions.

Garder d’abord l’humain au cœur de la gestion de la crise sanitaire. Il convient de maintenir l’action sur la vaccination, et d’accentuer nos efforts pour convaincre les plus récalcitrants à enfin se faire vacciner. Faut-il le rappeler, la vaccination réduit les risques d’hospitalisation de 88 pc, et les risques de finir en soins intensifs de 93%. La proportion des vaccinés / non-vaccinés[2] qui se retrouve en chambre d’hôpital ou en soins intensifs laisse, elle aussi, peu de doute quant au bienfait du vaccin. La vaccination nous protège, la vaccination protège les autres ; 

Victor Hugo écrivait : « La liberté va de pair avec la responsabilité. ». Et malheureusement, il faut bien constater l’échec de l’auto-responsabilisation face à la crise sanitaire que nous traversons. Tôt ou tard, quand nous aurons déployé tous nos trésors de persuasion, il faudra bien penser à rendre ce vaccin obligatoire pour les adultes. Cela me semble être essentiel après, évidemment, avoir organisé un débat démocratique sur l’ampleur d’une telle décision.

Garder l’humain aussi au cœur de la gestion post-inondations. Dans ce cadre, le Gouvernement a débloqué, en urgence,  près de deux milliards pour assurer la reconstruction des zones sinistrées, mais aussi pour soutenir les personnes touchées. 75 millions aux communes, CPAS et SLSP concernés pour assurer le relogement des sinistrés. Les divers dispositifs portent le total à quasiment 3.000 personnes relogées. Le défi était colossal et il est en passe d’être réussi, même si, on le constate encore aujourd’hui, les conditions de vie de nombreux sinistrés restent extrêmement précaires.

Des moyens complémentaires ont aussi été décidés afin de permettre un dédommagement des personnes non-assurées, en sinistre total, et permettre également le soutien aux entreprises pour redémarrer leurs activités au plus vite. Le temps presse et l’hiver est là. Il est urgent de trouver une solution adéquate pour chacune et chacun et faire en sorte que personne ne soit laissé au bord du chemin.

Garder l’humain également au cœur du Plan de Sortie de la Pauvreté. Alors que les inégalités socio-économiques ont augmenté en Wallonie de 2004 à 2019, la crise sanitaire de la covid-19 a malheureusement renforcé les inégalités et aggravé la situation des publics précarisés.  Des moyens progressifs ont dès lors été débloqués par la majorité pour sortir de la pauvreté, via l'accès à un confort de base et un accès à l'emploi.

En 2022, 162 millions seront consacrés à la sortie de la Pauvreté, en investissant dans l’accès au logement, dans l’insertion socio-professionnelle et dans l’accès au bien-être. La sortie de la pauvreté est un des objectifs majeurs de la législature et confère en la matière une obligation de résultats au Gouvernement !

Je voudrais ici m’arrêter un instant sur un sujet qui tient particulièrement à cœur le groupe socialiste : la lutte contre la précarité hydrique et énergétique. En 2020, 20% des ménages étaient dans une situation de précarité énergétique, c’est énorme. Alors que le coût de l’électricité explose, il convient de permettre à toutes et tous de vivre avec un accès minimal à l’électricité. A notre époque, l’accès à l’eau et à l’électricité n’est pas un  luxe mais un bien de première nécessité. Dans ce cadre, 21 millions € ont été dégagés pour soutenir les victimes des inondations dans leurs dépenses énergétiques. Et il faudra certainement intensifier l’effort !

Le citoyen reste également au cœur des politiques climatiques puisque un total de 1,2 milliard €, soit 225 millions par an, sera consacré à la rénovation d’un quart de notre parc de logements publics. Avec un investissement moyen de 46.700 euros par logement, sur environ 26.000 logements. Les travaux effectués vont entraîner des bénéfices immédiatement perceptibles en termes de salubrité et de confort mais aussi d'économie sur la facture énergétique.

A cet ambitieux plan de rénovation s’ajoute l’objectif de créer 3.000 nouveaux logements à l’horizon 2024.

L’humain est aussi évidemment au cœur du Plan de relance de la Wallonie, plan remanié plusieurs fois suite à la crise sanitaire et aux inondations. Au total, 7,7 milliards seront investis pour permettre la reconstruction de notre Région, et son redéploiement économique.

Sur l’exercice 2022, 1,75 milliard sera déjà investi dans 22 mesures structurantes pour notre Région, à travers notamment les deux axes majeurs que sont la soutenabilité environnementale et l’inclusion sociale.

Ce plan de relance a la lourde tâche de redonner du souffle à notre Région, de permettre son redéploiement, et surtout d’offrir à chacune et à chacun l’opportunité de mener une vie épanouissante, dans un environnement sain. Nous restons convaincus qu’offrir un emploi stable et de qualité à toutes et tous est la clé de l’émancipation et de l’inclusion sociale.

Ce Plan de relance n’est pas un autre plan parmi d’autres, mais il est la clé de voute du redéploiement wallon.

J’en termine par quelques observations plus générales.

D’un point de vue économique, comme partout à l’étranger, notre croissance s’est effondrée en 2020 (-7,4%), avec des conséquences non-négligeables sur nos recettes.

En 2021, par contre, on a pu noter un rebond de l’économie mondiale, avec une ligne de faille séparant les pays selon leur couverture vaccinale et la mise en oeuvre précoce de politiques de soutien aux ménages et aux entreprises.

La reprise économique s’est également raffermie en Wallonie au cours des derniers mois, avec une consommation des ménages en hausse et une a levée des contraintes sanitaires.

Si cette reprise est évidemment encourageante, il faut néanmoins constater que la croissance de l’économie wallonne (+5,5%) demeure encore inférieure à la progression estimée du PIB belge (+6,1%).

C’est là toute l’importance du plan de relance wallon : faire recoller la Wallonie à la moyenne belge. 

Revenons à la dette. Elle a bondi de 7 milliards € ces deux dernières années. Mais avons-nous vraiment la possibilité de faire autrement que d’investir dans la reconstruction et dans la relance de notre Région ?

Il faut raison garder et prendre le taureau par les cornes afin de maintenir nos finances sous contrôle.

On le constate, et sans vouloir être pessimiste, notre Région n’est pas à l’abri d’une nouvelle crise sanitaire, d’une crise financière ou d’une catastrophe naturelle. Il est essentiel que nous prenions notre destin en mains avec des mesures pour assurer la soutenabilité de la dette. Prendre des décisions maintenant, c’est assurer une stratégie crédible de retour à une trajectoire de dette soutenable et éviter de se voir imposer par d’autres une austérité, signe d’augmentation des inégalités sociales  et d’un affaiblissement de l’action pour la transition climatique.

Chers collègue, j’en termine ici. Le budget 2022  est donc un budget de relance, un budget de reconstruction mais  également un budget de raison. Un premier pas vers une reprise en main de notre déficit après deux années qui ne nous ont guère laissé le choix.

Mesdames et Messieurs les Ministres, Chers Collègues, à celles et ceux qui aujourd’hui encore vont contester votre politique volontariste et responsable, je citerai le compositeur autrichien Arnold Schoenberg, exilé en 1933 aux Etats-Unis pour fuir le régime en place, je cite : «Si le critique était un compositeur inspiré, il ne dirait pas comment l’œuvre aurait dû être faite, il l’écrirait lui-même. »