Christie Morreale relative au budget initial 2026

Monsieur le Ministre-Président,
Je veux tout d’abord, comme à l’ajustement, déplorer les freins que vous mettez dans la transmission des documents budgétaires. Une fois encore, il nous a fallu à plusieurs reprises les réclamer, une fois encore les délais légaux n’ont pas été respectés.
C’est clairement le reflet d’une volonté délibérée d’entraver notre travail de contrôle parlementaire.
Petit rappel des faits :
- Le 20 octobre vous présentiez votre budget à la presse après passage en gouvernement ;
- Le 22 octobre, en exécution du décret relatif à la publicité de l’administration, nous vous avions demandé la note validée en Gouvernement, document indispensable pour préparer un débat budgétaire sérieux. Conformément au décret, vous aviez 30 jours pour nous la transmettre.
- Le 13 novembre, vous nous répondiez que « le point était toujours en délibéré ». Soit …
- Le 25 novembre, la notification signée relative à ce point était chargée sur la plateforme du Parlement, impossible donc de prétendre encore que le point était en délibéré… Et pourtant toujours aucune note transmise. Le jour même, nous vous avons donc réitéré notre demande.
- Le 2 décembre, sans réponse, nous avons dû saisir la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.
- Le 4 décembre, nous avons dû à nouveau réclamer le document en Conférence des Présidents. Vous nous l’avez alors promis pour le jour même mais il a fallu encore attendre 24 heures !
Bref nous avons reçu à la veille des débats parlementaires, après 44 jours le document qui légalement devait nous être transmis dans les 30 jours.
C’est un manque flagrant de transparence. C’est une manière de travailler qui ne respecte ni l’opposition, ni le Parlement, ni les citoyens qui attendent de nous un débat éclairé.
Comme si cela ne suffisait pas, s’ajoute cette année un spectaculaire manque de lisibilité de votre budget. Nous découvrons une restructuration complète des documents budgétaires, des programmes et des articles budgétaires dits domaines fonctionnels.
On peut comprendre la volonté de simplification pour les années à venir. Mais ici, sans aucune clé de lecture, sans aucun tableau de correspondance, avec un degré d’explicitation des mouvements proche de zéro, comment savoir si une ligne supprimée correspond à une économie, ou à un transfert total ou partiel vers une autre ligne, un autre programme, impossible aussi de mesurer l’évolution des crédits de divers dispositifs désormais regroupés, sans le moindre détail, dans des domaines fonctionnels fourre-tout.
La Cour le souligne également : difficile dans ces conditions d’identifier de manière fiable l’évolution des crédits d’une année à l’autre, de mesurer les choix politiques sous-jacents.
Soyons francs : ce manque de transparence constitue une nouvelle entrave au contrôle parlementaire.
C’est pourquoi nous vous demandons, d’ici la commission de ce vendredi 12 décembre, un tableau complet de transcodification, ligne par ligne, domaine par domaine, permettant de reconstituer le passage de 2025 à 2026.
Sans cet outil, le débat budgétaire ne pourra jamais être à la hauteur de l’exigence démocratique et de la rigueur que nous devons aux citoyens.
Quand un gouvernement refuse de transmettre ses documents préparatoires, quand il restructure entièrement son budget sans fournir la moindre clé de lecture, quand il laisse les parlementaires naviguer dans le brouillard, cela dit souvent quelque chose de l’ambiguïté, ou de la fragilité, de son propre récit budgétaire.
L’illusion de l’assainissement budgétaire
Et justement, avant d’entrer dans les mesures concrètes de votre budget, permettez-moi de commencer par ce point, parce que nous vous entendons déjà venir : « la situation est difficile, il faut faire des économies, nous n’avons pas le choix ».
Alors personne ici ne nie la nécessité d’assurer la soutenabilité des finances wallonnes. Nous l’avons d’ailleurs assumée, sous la précédente législature avec 500 millions d’économies structurelles.
Le problème, ce n’est pas de faire des économies.
Mais, primo, toutes les économies ne se valent pas. Un assainissement sérieux ne peut pas reposer sur des mesures imposées aux secteurs à la corde, qui réduisent les services essentiels, affaiblissent l’économie wallonne, détruisent l’emploi ou dégradent le quotidien des citoyens. Faire des économies, oui. Mais pas n’importe lesquelles, et surtout pas celles qui, au final, coûtent plus cher à la Wallonie qu’elles ne lui rapportent.
Deuxio, les économies doivent réellement servir à assainir et non à compenser les pertes de recettes que vous avez vous-mêmes créées.
Et c’est précisément pour cela que, avant de questionner les économies que vous imposez dans ce budget 2026, je veux d’abord déconstruire – autant de fois qu’il le faudra - le récit que vous diffusez auprès des citoyens et des secteurs depuis des mois : celui selon lequel vous n’auriez pas d’autre choix. Un discours répété comme un mantra depuis des mois au nom soi-disant de la « rigueur budgétaire » et d’une responsabilité presque morale.
Cette histoire pourrait tenir si vos choix budgétaires allaient réellement dans le sens d’un assainissement. Mais c’est précisément là que le récit se fissure : vos économies ne servent pas à redresser les finances publiques — elles servent à financer et anticiper les baisses de recettes que vous avez vous-mêmes décidées à tous les niveaux de pouvoirs.
Et c’est cela que les Wallonnes et les Wallons doivent entendre clairement.
D’un côté, vous imposez des coupes dans les allocations familiales, dans les aides à l’emploi, dans le logement, dans les primes énergie, dans les subventions aux associations de terrain, dans les pouvoirs locaux, dans les services publics,… Des coupes qui touchent des secteurs essentiels, parfois déjà exsangues.
Et de l’autre, vous adoptez des réformes fiscales injustes qui percent des trous immenses dans les recettes de la Région.
Tout commence avec la réforme des droits d’enregistrement. Une mesure que vous avez présentée comme un soutien aux jeunes acheteurs, comme un levier pour faciliter l’accès au logement, alors qu’elle était injuste par définition, avec un taux linéaire qui ne ciblait absolument pas les ménages qui en ont réellement besoin. Et que constate-t-on aujourd’hui ? Qu’elle est inefficace, parce qu’elle a contribué à alimenter l’explosion des prix immobiliers et que l’amélioration de l’accès à la propriété pour les jeunes n’est pas au rendez-vous alors que de l’autre côté, le prix des loyers wallons explose. Des résultats désastreux pour une réforme qui grève les recettes bien au-delà des 250 millions d’euros nets promis.
Les premiers mois d’exécution du budget 2025 sont en-dessous de vos estimations et ceci se confirme au budget 2026 avec une baisse supplémentaire de 50 millions d’euros alors même que les prix de l’immobilier sont en hausse.
Puis vient la réforme des droits de succession. Une réforme dont les effets budgétaires sont déjà connus : près de 400 millions d’euros de pertes de recettes par an dès 2028. Une réforme qui profite massivement aux patrimoines les plus élevés, qui ne change rien pour les petits héritages, qui affaiblit la progressivité du système, et qui, de surcroît, est totalement déconnectée des enjeux socio-économiques actuels.
Et comme si cela ne suffisait pas, vous avez ajouté une réforme de la taxe de mise en circulation, en privilégiant certaines catégories de véhicules électriques haut de gamme.
Une mesure inefficace écologiquement — puisqu’elle n’oriente pas réellement les comportements — et injuste fiscalement — puisqu’elle profite davantage aux modèles haut de gamme. Avec, là aussi, une perte de recettes structurelle.
Si l’on additionne tout cela, que voit-on ? Qu’à l’horizon 2029, vos seules réformes fiscales wallonnes augmenteront le déficit annuel de plus de 650 millions d’euros. Dans le même temps, vous annoncez fièrement avoir réduit le déficit de 530 millions d’euros depuis votre prise de fonction.
Le calcul est implacable : vos efforts actuels ne servent pas à assainir,
ils servent exclusivement à financer les baisses d’impôts que vous avez déjà décidées et à anticiper celles que vous mettrez en œuvre demain.
Mais le récit ne s’arrête pas là. À côté de vos choix wallons, il y a aussi ceux du fédéral. Et là, permettez-moi d’insister : nous voyons ce que donne une coalition miroir. On nous avait promis une meilleure coordination, une vision commune, une cohérence renforcée entre niveaux de pouvoir. En réalité, ce que nous constatons, ce sont des décisions fédérales qui s’abattent en cascade sur les entités fédérées, sans concertation, sans anticipation, et au détriment direct des finances wallonnes.
La réforme fiscale fédérale représentait déjà 280 millions d’euros de pertes de recettes pour la Wallonie en rythme de croisière.
Avec le nouvel accord de l’Arizona, nous apprenions, comme un cadeau de Noël anticipé, qu’une nouvelle contribution sera demandée en 2026 aux entités fédérées pour financer le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Un montant évalué à 500 millions d’euros par an. Un milliard cumulé pour 2028 et 2029.
Et manifestement, nous devons désormais nous habituer à voir tomber, jour après jour, une nouvelle facture pour les finances wallonnes. Il y a quelques jours à peine encore, c’est une nouvelle cotisation de solidarité des employeurs pour les agents malades qui était pointée comme impactant les entités fédérées.
Autrement dit : les mauvaises surprises s’enchaînent dans le flou le plus total.
Et ne faisons pas semblant : l’asphyxie des pouvoirs locaux décidée tant par votre gouvernement que par le fédéral — entre une réforme du chômage qui coûtera au moins 150 millions d’euros par an aux CPAS et les pertes de recettes liées à la réforme fiscale, qui atteindront jusqu’à 130 millions d’euros pour les centimes additionnels communaux — ; cette asphyxie donc aura, elle aussi, des répercussions sur les finances wallonnes. C’est un boomerang avec effet à retardement puisque l’entité II, qui comporte la Région ET les pouvoirs locaux, est intégrée dans l’équilibre global à atteindre et dans la trajectoire européenne à respecter…
Voilà pourquoi votre discours sur l’assainissement est une illusion. Vous créez vous-même, à la Région ou au fédéral, la perte de recettes, et ensuite vous demandez aux citoyens d’en payer la facture.
Voilà pourquoi il est si important de le dire clairement : Vous demandez aux Wallonnes et aux Wallons, aux classes moyennes de se serrer la ceinture non pas pour mieux appréhender le futur mais bien pour financer des réformes fiscales dont les bénéfices ne concerneront qu’une minorité plus aisée. Et pour financer des reports de charges du fédéral particulièrement défavorables à la Wallonie. Tout est une question de choix. Et vos choix politiques creusent les inégalités, et hypothèquent la capacité de Wallonie d’investir dans son avenir.
L’ampleur et le rythme des économies à questionner
Un autre argument que vous invoquez régulièrement pour justifier la trajectoire budgétaire extrêmement sévère que vous imposez à la Wallonie - une trajectoire qui prévoit un retour à l’équilibre en cinq ans, soit 2,3 milliards d’euros d’efforts - c’est celui du respect des règles budgétaires européennes.
Et là aussi, Monsieur le Ministre-Président, le récit ne correspond pas à la réalité.
Parce que si l’on regarde précisément les nouvelles règles européennes — celles fondées sur la croissance des dépenses primaires nettes — on constate une chose très simple : vous imposez à la Wallonie des efforts bien plus stricts que ce que l’Europe exige.
Pour 2026, en exécution du nouveau cadre européen, le Conseil supérieur des finances autorisait la Région à faire croître ses dépenses primaires nettes de +2,1 %. Votre budget prévoit, lui, une croissance… négative de –0,9 %.
Autrement dit, vous allez au-delà de ce qui est demandé par l’Europe, et même bien au-delà. D’ailleurs, cette même trajectoire tolérerait un déficit (SEC) de 615 millions d’euros d’ici 2031 alors que votre Gouvernement a décidé de revenir à un surplus… dès 2029 !
On pourrait d’ailleurs être tenté de croire que si la Wallonie applique une trajectoire aussi sévère, c’est peut-être pour compenser l’effort demandé à la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est aussi l’histoire que vous nous avez racontée à la mise en place des gouvernements. Mais cet argument ne tient pas non plus.
Pourquoi ? Parce que la Fédération Wallonie-Bruxelles affiche elle aussi une croissance des dépenses primaires nettes inférieure à celle que le Conseil supérieur des finances autorisait dans son avis de répartition des efforts intra-belges.
Ce que cela révèle, c’est que le rythme et l’ampleur des économies ne sont pas dictés par l’Europe, mais bien par votre propre choix politique : celui d’imposer des efforts rapides, massifs, concentrés sur les mêmes secteurs, souvent les plus fragiles, tout en maintenant vos réformes fiscales.
Et tout cela pose une question simple : comment comptez-vous atteindre vos objectifs ? Nous en sommes déjà à deux budgets, à deux longs conclaves, et pourtant… toujours aucune feuille de route. Aucun document détaillant, mesure par mesure, comment vous entendez atteindre les 2,3 milliards d’économies annoncés d’ici 2029.
La Flandre l’avait fait dès l’Accord de gouvernement, le Fédéral aussi. La Fédération Wallonie-Bruxelles vient de la faire. À ce stade, le Gouvernement wallon est le seul qui ne fournit toujours pas ce document stratégique. Un document qui permettrait non seulement de comprendre vos choix politiques, mais aussi d’offrir un minimum de prévisibilité aux secteurs qui, aujourd’hui, travaillent dans la crainte permanente d’être les prochains sur la liste.
Le manque de crédibilité de votre exercice budgétaire
L’absence de cet instrument de pilotage budgétaire est un manque de rigueur qui s’illustre aussi dans le manque de crédibilité de votre exercice budgétaire.
En effet, nombre de vos crédits ne reposent sur aucune base pérenne. Vous sous estimez les moyens de paiement pour les primes à l’investissement, les allocations d’attente logement ou le RTE-T. Vous puisez dans les enveloppes temporaires du Plan de relance wallon pour financer des dépenses structurelles — comme le verdissement de la flotte des TEC ou le réseau RTE-T —. Vous réorientez 100 millions du PNRR européen qui se termine en 2026 pour financer les primes énergie.
Et ce n’est pas tout, Monsieur le Ministre-Président. Dans cette gestion que vous présentez comme une « gestion d’ingénieur », la Cour des comptes pointe une série d’éléments qui, eux aussi, fragilisent la crédibilité de votre solde. Vous anticipez artificiellement des dépenses pour le Crac en 2025 à hauteur de 33 millions. Vous omettez une correction certaine sur les intérêts qui était de l’ordre de 48 millions en 2024. Vous flattez de près de 28 millions du solde de plusieurs UAP. Autrement dit, si l’on applique les ajustements que la Cour juge nécessaires, votre solde est nettement moins favorable que les 2,015 milliards que vous affichez.
Et la Cour va plus loin encore : elle rappelle que certaines économies que vous présentez comme « structurelles » n’en ont que le nom. L’exemple le plus frappant concerne les aides à l’investissement : les 15 millions d’euros d’économies annoncés en 2025 ne sont pas au rendez-vous.
Idem en santé : les 28 millions d’euros d’économies prévues à l’AViQ sont basées sur une simple inexécution de crédits en 2026. Et nous ne pouvez donner aucune indication sur les moyens d’atteindre ce montant de façon récurrente les années suivantes. Autrement dit, vous bâtissez des économies structurelles… sur du sable.
La nature des économies et les effets contreproductifs - L’emploi et la relance économique
Monsieur le Ministre-Président,
Puisque vos économies ne servent pas à assainir les finances publiques, il faut maintenant regarder leurs effets réels sur notre Région. Et ce que l’on voit, c’est un paradoxe qui saute aux yeux : au moment où notre Région devrait accélérer sur l’emploi, sur l’investissement public, sur le logement, sur la transition, vous faites le choix inverse. Vous retirez de la puissance à tous les moteurs qui, normalement, permettent de relancer une économie, de créer de l’emploi.
Commençons par l’emploi, parce que c’est le premier révélateur de vos choix.
La Wallonie compte aujourd’hui plus de 12 % (12.3%) de demandeurs d’emploi de plus qu’il y a un an. Le nombre de demandeurs d’emploi n’a jamais été aussi élevé en Wallonie depuis 20 ans. Le nombre de demandeurs d’allocations est aussi en hausse de 5,6% par rapport à novembre 2024.
Dans un contexte pareil, on s’attend à un gouvernement qui soutient la formation, renforce l’insertion, accompagne les trajectoires professionnelles, appuie les secteurs qui offrent des contrats solides. Car avant même de créer de l’emploi, il faut permettre à celles et ceux qui cherchent un travail d’y accéder réellement.
Au lieu de cela, votre budget réduit les moyens de celles et ceux qui font tenir la chaîne de l’emploi.
Tous les maillons de l’insertion sont aujourd’hui fragilisés : des dispositifs transitoires qui s’accumulent, couplés à des économies qui tombent dès maintenant… et des réformes sans cesse annoncées mais toujours reportées laissant ainsi les opérateurs dans une profonde incertitude.
- Les CISP voient à nouveau leurs moyens se resserrer et attendent inquiets la réforme annoncée, alors qu’ils sont souvent la dernière passerelle vers l’emploi pour des milliers de personnes éloignées du marché du travail,
- Les aides à l’emploi et à la formation sont rabotées et renvoyées à des réformes futures dont personne ne connaît ni l’ampleur ni le calendrier.
- Les cellules de reconversion - qui accompagnent les travailleurs victimes de fermetures ou de restructurations - voient planer l’incertitude sur leur avenir alors que les faillites et les restructurations se multiplient.
Et l’impact de la réforme du chômage sur les ALE n’arrangera rien.
Certes, le Ministre Jeholet a prévu quelques aménagements transitoires, mais elle laisse des travailleurs dans une précarité inacceptable : une personne exclue du chômage qui preste 45 heures par mois en ALE, à 4.1 €/h, touchera 184 euros… Dans ces conditions, beaucoup ne pourront tout simplement plus prester. Conséquence directe : des emplois perdus. Et des services essentiels disparaîtront — garderies scolaires, surveillance du temps de midi, sécurité aux abords des écoles, petits travaux d’entretien chez les aînés.
Bref : là où il faudrait accélérer, vous appuyez sur le frein. Bref, vous fragilisez ceux qui cherchent un emploi, au moment même où la Wallonie compte près de 270.000 demandeurs d’emploi, du jamais-vu depuis 20 ans.
Et pendant que vous affaiblissez l’insertion, vous détruisez aussi l’emploi lui-même. Un cocktail explosif, dont les travailleurs paient déjà le prix.
- Pour les APE, ce sont déjà plus de 3700 emplois menacés dès 2026. Et si la réforme et sa trajectoire d’économies se poursuit comme annoncé par le Ministre Jeholet, ce seront jusqu’à 11.000 postes qui seront perdus d’ici 2029. Ce sont des accueillantes extrascolaires, des éducateurs de rue, des travailleurs sociaux, des agents communaux, des puéricultrices, des animateurs sportifs. Des métiers essentiels. Des métiers qui changent des vies.
- Vous faites vaciller le dispositif SINE : jusqu’à 3.500 travailleurs des entreprises d’économie sociale du secteur de titres-services pourraient perdre leur emploi comme l’a alerté la Fédération InitiativES.
- L’asphyxie des pouvoirs locaux ne fera qu’amplifier cette hémorragie. Quand vous coupez dans leurs dotations, quand vous leur transférez des charges sans compensation, ils n’ont plus que trois leviers : réduire les services, augmenter les taxes … ou réduire le personnel.
- Vous faites vaciller le dispositif SINE : jusqu’à 3.500 travailleurs titres-services de l’économie sociale pourraient perdre leur emploi comme l’a alerté la Fédération InitiativES.
- Les pertes d’emplois dans les associations de terrain sont bien réelles aussi, même si la pluriannualisation organisée pour certaines tente de les invisibiliser. On parle pourtant de 60 millions d’euros supprimés en 2025, soit un tiers du budget, et vous ajoutez encore 8 millions d’économies en 2026. Où comptez-vous vous arrêter ?
- Votre budget affaiblit aussi la fonction publique régionale, qui est pourtant le bras opérationnel de la Wallonie. Vous gelez les recrutements, vous limitez les remplacements, … et des politiques publiques qui perdent en efficacité, les délais de traitement de dossiers s’allongent.
Tout ça dans un contexte où qu’il n’y a qu’une offre d’emploi pour 7 demandeurs, selon les derniers chiffres du Forem et où le gouvernement ne met en place aucune mesure de soutien à la création d’emploi privé de qualité. Comprendre qui pourra.
Car pendant ce temps-là… que faites-vous pour soutenir l’activité économique ?
Rien. Le mot d’ordre, simplification administrative. Votre unique et seule solution, même si sur ce chantier aussi les résultats se font attendre.
Dans votre budget, il n’y aucune mesure concrète de soutien à l’activité économique, pour soutenir les petits commerçants, le secteur de la construction, des biotech, de la logistique, de la grande distribution, les PME locales ou les travailleurs des secteurs fragilisés.
Pour le reste : vous réduisez les moyens de Wallonie Entreprendre — 60 millions en moins cette année, 45 millions l’année dernière, au moment précis où nos entreprises ont besoin d’investir, de se moderniser, d’embaucher.
Votre seule « impulsion économique », ce sont 50 millions de plus pour les primes à l’investissement des entreprises. Enfin, diront les PME : la Cour des comptes dénonçait déjà une sous-estimation de 58 millions à l’ajustement, que vous aviez pourtant balayée d’un revers de la main. Vous ne faites donc que corriger votre propre erreur. Et encore insuffisamment puisque la Cour nous apprend que, l’administration estime les besoins 2026 à 120 millions, quand votre budget n’en prévoit que 91,5. Autrement dit, cette augmentation ne suffira même pas à stopper l’accumulation des dossiers en attente. D’autant que vous n’augmentez que les crédits d’engagement, pas les crédits de paiement. Pas un euro de plus pour payer les dossiers traités, alors que l’encours dépasse déjà un demi-milliard d’euros. Vous renvoyez donc la facture aux prochains budgets et les PME devront toujours attendre aussi longtemps pour recevoir leur prime.
Vos choix affaiblissent aussi les secteurs qui devraient porter la relance et la transition. La transition énergétique pourrait être un formidable moteur d’activité pour la Wallonie, notamment pour la construction, qui attend des signaux clairs et stables. Pourtant, les moyens reculent, les réformes sont reportées et les primes ont été rabotées sans nouveau cadre : résultat, les citoyens attendent, les chantiers ralentissent, les investissements se figent, les entreprises licencient. Pareil constat pour les commandes publiques en berne. C’est toute une filière qui s’essouffle. Bref, au lieu d’activer la transition et l’investissement public comme levier économique, vous transformez une opportunité en source d’incertitude.
Voilà pourquoi vos économies sont problématiques : elles ne relèvent pas du courage budgétaire, mais d’un renoncement économique. Vous affaiblissez tout ce qui crée de l’activité, vous fragilisez ceux qui accompagnent, ceux qui rénovent, ceux qui investissent. Vous ralentissez la machine au moment où elle devrait être remise en mouvement.
Et permettez-moi de conclure ce volet sur une évidence économique :
on ne sort jamais durablement d’un déficit en détruisant ses propres capacités de croissance.
Les réformes reportées à plus tard
Et le plus inquiétant, Monsieur le Ministre-Président, c’est que cette fragilisation de l’emploi et de l’activité économique ne s’accompagne d’aucune vision alternative.
Alors que les Wallonnes et les Wallons ont besoin de clarté, alors que les entreprises ont besoin de prévisibilité, alors que les acteurs de terrain attendent des orientations, vous laissez aussi la Wallonie dans l’attente de réformes promises, annoncées… puis constamment reportées.
Sur l’emploi, nous l’avons dit : les ALE, les aides à l’embauche, les aides à la formation, Airbag, les dispositifs d’insertion-professionnelle, les titres services, ... Des réformes, annoncées depuis des mois mais dont on n’a toujours pas vu la couleur.
Mais le phénomène dépasse largement l’emploi. La réforme du décret Recherche et du paysage de l’innovation attendue par le secteur se fait attendre, comme celle du décret armes.
Sur les primes énergie, cela fait presqu’un an que vous avez coupé dans les aides mettant à mal de nombreux projets et créant une bulles d’explosion des demandes. Et la réforme n’est annoncée que pour octobre 2026… soit un an et demi plus tard laissant les citoyens et les entreprises de construction dans le flou total. Tandis que des milliers de dossiers restent en souffrance à l’administration avec des délais de remboursements pouvant toujours aller jusqu’à un an et demi comme le souligne la Cour.
Sur les investissements, même brouillard : le nouveau Plan infrastructures est reporté alors qu’il avait été annoncé pour début de l’année 2026. La révision du décret Zoning, pourtant annoncée en mars 2025, elle aussi est renvoyée à plus tard.
On attend toujours aussi le nouveau contrat de service public de l’OTW depuis que vous avez suspendu le précédent, approuvé quelques mois auparavant … En attendant c’est toujours le flou sur la restructuration de l’offre, sur la politique tarifaire, les alternatives aux extensions du tram de Liège, les BHNS de Mons et Charleroi, le transport scolaire, ..
Chaque réforme reportée, chaque chantier postposé, chaque plan non finalisé, génère un coût caché.
Et paradoxalement, là où il faudrait réformer d’urgence des dispositifs qui comportent de vrais effets d’aubaine, vous tardez, vous repoussez, vous renvoyez à plus tard.
Le citoyen qui paie la facture
Après avoir regardé vos économies, vos coupes dans l’emploi, vos réformes reportées, une chose apparaît clairement : c’est le citoyen qui trinque, qui paie la facture.
Parce que, derrière chaque ligne que vous supprimez, derrière chaque investissement que vous postposez, ce sont les Wallonnes et les Wallons qui se retrouvent avec des factures plus élevées, moins de services, moins de soutien et moins de perspectives.
On a beaucoup parlé d’emploi. Et ce n’est pas anodin : le premier moteur du pouvoir d’achat, c’est un emploi durable et de qualité.
Quand on fragilise l’insertion, qu’on coupe dans les aides à l’emploi, qu’on réduit les leviers de formations. Quand on laisse les CPAS absorber seuls les conséquences de la réforme du chômage alors même que les compensations fédérales promises et déjà insuffisantes diminuent encore, c’est des milliers de personnes qu’on abandonne. Quand on dégrade les conditions de travail des ALE, quand on sabre dans la construction et la rénovation des logements publics, quand on baisse de 60 % les primes énergie, qu’on réduit l’investissement public, les financements des pouvoirs locaux, le soutien au petit commerce, les subventions aux associations de terrain, ou qu’on gèle des postes dans les services publics : ce sont des milliers d’emplois qui s’envolent. Quand on flexibilise encore davantage le travail, quand on booste l’intérim, quand on n’a aucune politique de création d’emplois de qualité, on tire l’ensemble du marché du travail vers le bas.
On fragilise directement le pouvoir d’achat des familles. Moins de stabilité, moins de perspectives, moins de sécurité d’emploi : c’est la réalité que vivent aujourd’hui des milliers de Wallonnes et de Wallons.
Et c’est précisément parce que ces perspectives s’affaiblissent que toutes les autres difficultés deviennent plus lourdes : payer son loyer, faire face aux factures d’énergie, se déplacer, boucler la fin du mois. Et sur ces questions aussi, Et sur ces questions aussi, votre gouvernement reste dramatiquement absent.
Prenons le logement, parce que c’est l’un des postes qui pèsent le plus lourd dans le budget des ménages.
Votre réforme des droits d’enregistrement, censée aider les jeunes à devenir propriétaires, a non seulement échoué, mais elle a eu l’effet inverse :
les prix immobiliers continuent d’augmenter jusqu’à 13% —et les loyers suivent la même trajectoire +6.2 % en 2025 pour 1.8 % en Flandre et 2 % à Bruxelles. Aujourd’hui, le loyer moyen dépasse allègrement les 880 euros, sans aucune mesure pour encadrer ou freiner cette explosion. La majorité a même refusé de faire des auditions sur les loyers abusifs, que proposait le PS.
Et du côté du logement public, ce n’est pas mieux. Depuis le début de cette législature, on assiste à un désinvestissement chronique qui s’accentue encore en 2026 : 50 millions en 2025 et 25 millions supplémentaires en 2026. Résultat : chaque année de retard, ce sont des milliers de familles qui restent trop longtemps dans des logements trop chers, trop petits, trop mal isolés, avec des factures de chauffage qui explosent. Et pour les locataires sociaux, vous augmenterez en plus les loyers en fonction du PEB : +348 à +816 € par an pour des ménages déjà en difficulté. Et vous ne prévoyez même pas les moyens suffisants pour l’allocation d’attente logement, seulement 7/12 des besoins annuels, avec une clause de rendez-vous à l’ajustement.
Sur l’énergie, même scénario : le gouvernement wallon ne construit aucun coussin de protection face à l’explosion des coûts et les défis de la transition énergétique. Le budget s’est réduit à peau de chagrin. Tant pis pour le climat, tant pis pour les familles.
On l’a dit, les primes énergie ont été rabotées de 60 %, sans réforme claire à l’horizon.
Rien n’est fait pour préparer les ménages à l’arrivée d’ETS 2, qui entraînera dès 2028 une hausse importante des coûts de chauffage et de carburant, de l’ordre de 640 euros par an par ménage wallon.
Les tarifs de distribution d’électricité augmentent de 8 % en 2026. Et le coût sera renforcé par les décisions du fédéral sur la hausse des accises sur le gaz et le mazout.
Tout appelait à des mesures fortes, mais la passivité de votre gouvernement est totale et coupable.
En mobilité aussi, vous envoyez des signaux contradictoires.
D’un côté, vous dites vouloir renforcer les transports publics.
De l’autre, les extensions du tram de Liège sont supprimées, le BHNS de Mons et de Charleroi semblent définitivement mis au placard, vous limitez les ambitions pour la mobilité douce, et vous laissez l’OTW avancer sans perspectives claires. Et pendant ce temps, les prix des TEC augmentent : certains abonnements ou titres multi-voyages ont pris entre 30% dans la vue. Pour les navetteurs, c’est un coup dur, surtout dans des régions où l’offre reste insuffisante.
Et à cela vient s’ajouter une autre réalité : le définancement des politiques sociales. Le report d’indexation des allocations familiales et de l’allocation pour personnes âgées, la suppression de l’allocation AFS pour les jeunes en situation de handicap bénéficiant d’une aide fédérale, la réduction des allocations pour les 18–25 ans : tout cela, ce sont des dizaines d’euros en moins chaque mois pour des ménages qui n’ont déjà aucune marge. Et la santé n’est pas épargnée. Plus de 33 millions d’euros d’économies sont prévus à l’AViQ, sans aucune transparence sur les secteurs touchés : santé mentale, handicap, aînés, soins à domicile, prévention, plannings familiaux…
Pour les titres-services, là aussi, la situation se dégrade. Le retour de frais complémentaires, pourra coûter jusqu’à 600 euros de plus par an. Sans compter la fin des emplois SINE dans le secteur qui risque très concrètement de se traduire par la disparition de petites entreprises locales, soit d’augmenter le prix pour les ménages. Certains usagers commencent à renoncer aux TS devenus trop chers, des travailleuses perdent des clients, le travail en noir fait sa réapparition.
Lorsque les familles se tournent vers d’autres services de proximité : leurs communes, elles y retrouvent… les mêmes difficultés.
Les communes, assurent pourtant le quotidien mais vos politiques les mettent à genoux – je laisserai mon collègue développer. Résultat : les taxes augmentent. Les tarifs augmentent. Les services diminuent.
On le voit dans la presse locale, la taxe déchets, le cout du parking, les additionnels sur l’IPP ou le PRI augmentent, les services extrascolaires deviennent plus chers ou disparaissent, l’entrée à la piscine est plus chère.
Les travaux de rénovation des écoles, des halls sportifs sont reportés... Quand la Région coupe, la commune compense. Et quand la commune compense, c’est le citoyen qui paie.
Et tout cela intervient dans un contexte où les citoyens sont pressés de toutes parts.
Parce que pendant que la Région coupe, les autres niveaux de pouvoir prennent aussi des décisions qui touchent le portefeuille des citoyens :
hausse de la TVA sur certains biens, reports et sauts d’index, suppression des repas scolaires, mise à mal de la gratuité scolaire, hausse des tarifs des stages Adeps, hausse du minerval, pression sur les crèches, …
Conclusion
En affaiblissant le pouvoir d’achat des Wallonnes et des Wallons, vous affaiblissez en réalité toute l’économie wallonne.
La croissance de notre Région repose d’abord sur sa demande intérieure.
Quand les ménages ont un peu d’air, ils consomment, ils rénovent, ils investissent, ils font vivre nos PME, nos commerces, nos artisans. Mais lorsque vous augmentez leurs factures, réduisez leurs aides, retardez des réformes, supprimez des emplois locaux, vous cassez ce moteur essentiel de l’activité.
Ce que vous appelez « assainissement » devient alors un frein : moins d’investissements, moins d’emplois durables, moins de confiance, et au final une Wallonie qui se replie au lieu d’avancer.
Et c’est cela le cœur du problème : vous demandez aux citoyens de payer vos choix fiscaux et votre manque de courage, tout en fragilisant les leviers mêmes qui pourraient relancer notre économie. Ce n’est pas une fatalité : c’est un choix politique.
Une autre voie existe. Une voie qui repose sur un emploi de qualité, sur l’investissement public, sur le renforcement des services essentiels, sur un pouvoir d’achat consolidé - bref, une stratégie qui redresse vraiment les finances parce qu’elle redresse d’abord la vie des gens.
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Sascha PALOTAI (0497/02.93.09)